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Vente des blocs pétrolier et gazier en RDC : le Mouvement Extinction Rébellion fait des révélations troublantes

Vente des blocs pétrolier et gazier en RDC : le Mouvement Extinction Rébellion fait des révélations troublantes

Dans une déclaration du Mouvement citoyen Extinction Rébellion rendue publique vendredi à Kinshasa dont la copie est sur la table de la rédaction du CHANGEMENT7.NET, ce mouvement de la société civile révèle qu’il y a quelques incohérences dans le processus du vente des blocs pétroliers et gazier en République Démocratique du Congo.

À en croire cette structure, ces incohérences sont enregistrées sur le plan procédural et légal, écologique et socio-économique dans le processus de vente desdits blocs.

Sur tous les plans cités ci-haut, ce groupe des jeunes de la société civile dénonce les irrégularités suivantes dans la mise sur le marché de ces blocs :

L’incohérence entre le nombre de blocs approuvés à la 48ème réunion du conseil des ministres du 08 avril 2022 (16) et celui publié dans les appels à manifestation (30). Ceci va à l’encontre du principe selon lequel le Conseil des ministres assure le contrôle et la régulation de la procédure d’appel d’offres en raison du caractère stratégique des ressources en hydrocarbures..

L’absence des documents stratégiques de gouvernance quant aux hydrocarbures : l’inexistence d’une politique nationale en matière d’hydrocarbures, comme prévu par la Loi n°15/012 du 1er août 2015 portant régime général des hydrocarbures. L’article 11 stipule que le gouvernement élabore et met en œuvre la politique nationale en matière d’hydrocarbures.

Ci-dessous, la déclaration du mouvement extinction rébellion

LA DÉCLARATION DU MOUVEMENT EXTINCTION REBELLION FACE A LA VENTE DES BLOCS PÉTROLIER ET GAZIER CONGOLAIS ET LES NÉGOCIATIONS POUR INTÉGRATION DANS LE PROJET DEVASTATEUR EACOP

En date du 28 juillet 2022, la République Démocratique du Congo avait lancé des appels d’offres concernant 27 blocs pétroliers et 3 blocs gaziers.

Ces appels d’offres avaient suscité plusieurs controverses au sein de nombreuses organisations de la société civile, tant au niveau national qu’international, dans les secteurs de l’environnement et des droits humains. Les critiques ont mis en avant le manque de transparence du processus d’enchères ainsi que les risques environnementaux et sociaux liés à l’exploitation des hydrocarbures, surtout en cette période où la planète fait face au changement climatique.

La combustion des fossiles libère des gaz à effet de serre dans l’atmosphère, accélérant ainsi le changement climatique.
Elle libère également d’autres polluants tels que les oxydes d’azote, le dioxyde de soufre et les particules fines, nuisibles à la santé humaine et à l’environnement. Plusieurs pays subissent déjà les graves répercussions du changement climatique, notamment la sécheresse, les inondations, l’élévation du niveau de la mer et les cyclones. Actuellement, la ville de Kalemi est frappée par des inondations dues à la montée des eaux du lac Tanganyika.

Pour inverser cette tendance, plusieurs pays ont pris conscience de l’urgence de réduire la production de gaz à effet de serre, à l’instar de l’accord de Paris. Cet accord, adopté en 2015 par 196 pays lors de la COP 21, est un traité international juridiquement contraignant sur le changement climatique, et a été salué comme un accord historique marquant une étape importante dans la lutte contre le changement climatique.
Ainsi, nous estimons que la mise sur le marché de ces blocs constitue une entrave aux prescriptions légales et réglementaires en vigueur en RDC.

Pour le gouvernement congolais, la mise sur le marché de ces 30 blocs pétroliers et gaziers représente une occasion de transformer l’une de ses ressources naturelles en richesse, contribuant ainsi à l’augmentation du budget de l’État. Mais nous, organisations de la société civile et mouvements de jeunes, considérons que cette exploitation ne sera pas la solution miracle au problème économique congolais. La RDC, contrairement à plusieurs pays qui n’ont que le pétrole comme richesse, dispose d’une diversité de ressources capables de booster son développement tout en assurant la durabilité. Par exemple, selon un rapport du CAFI (Central African Forest Initiative), la RDC est potentiellement la 7e puissance agricole au monde grâce à son immense potentiel en terres arables, sa grande diversité climatique, son réseau hydrographique et son potentiel en termes d’irrigation, de pêche et d’élevage. Il est donc possible de booster l’économie de la RDC en promouvant une agriculture durable et adaptée.

Nous avons trouvé de nombreuses incohérences dans le processus de vente des blocs pétroliers, telles que :

A. SUR LE PLAN PROCÉDURAL ET LÉGAL
Nous dénonçons les irrégularités suivantes dans la mise sur le marché de ces blocs :
● L’incohérence entre le nombre de blocs approuvés à la 48ème réunion du conseil des ministres du 08 avril 2022 (16) et celui publié dans les appels à manifestation (30). Ceci va à l’encontre du principe selon lequel le Conseil des ministres assure le contrôle et la régulation de la procédure d’appel d’offres en raison du caractère stratégique des ressources en hydrocarbures..
● L’absence des documents stratégiques de gouvernance quant aux hydrocarbures : l’inexistence d’une politique nationale en matière d’hydrocarbures, comme prévu par la Loi n°15/012 du 1er août 2015 portant régime général des hydrocarbures. L’article 11 stipule que le gouvernement élabore et met en œuvre la politique nationale en matière d’hydrocarbures. À cet effet, il fixe les orientations générales en matière de gestion et de mise en valeur des ressources d’hydrocarbures et d’approvisionnement régulier et suffisant en produits pétroliers pour couvrir les besoins sur l’ensemble du territoire national. Ces orientations sont intégrées dans la politique de développement national. Il assure, en outre, la promotion de la transparence, de la bonne gouvernance et veille à la protection de l’environnement dans les activités d’hydrocarbures tant en amont qu’en aval.
● L’attribution des blocs pétroliers en dehors du processus d’aménagement du territoire en cours en RDC constitue un problème pour le développement harmonieux et durable du pays, en allant dans le sens d’une gestion cohérente et durable de l’espace et des ressources naturelles. Cette mise sur le marché pourrait entraîner une multitude de conflits d’usages entre secteurs.
● Les superpositions par rapport aux droits acquis : concessions foncières, concessions forestières, concessions agricoles, concessions forestières des communautés locales, etc.
● L’absence de l’administration sectorielle et la faible capacité de l’administration dans les zones concernées. En tant que ministère à part entière, il est jeune avec une administration qui se déploie progressivement. Elle n’est pas présente dans toutes les provinces et ne dispose pas, dans la plupart des cas, des experts nécessaires (ingénieurs en gaz et pétrole, impact environnemental et social, etc.).
B. SURLEPLANÉCOLOGIQUE
● L’absence d’une étude d’impact environnemental et social prouvant que l’exploration ou l’exploitation d’hydrocarbures ne nuit pas à la conservation des spécimens des espèces de faune et de flore et de l’habitat naturel. La RDC, avec un massif forestier d’environ 155,5 millions d’hectares, soit 10% des forêts tropicales de la planète et plus de 60% des forêts du Bassin du Congo, est le deuxième pays ayant la plus vaste forêt tropicale humide au monde. Elle regorge également d’importantes réserves d’écosystèmes naturels, constitués de nombreuses espèces endémiques de faune et de flore. La RDC est classée au 5è rang mondial pour sa riche biodiversité. Ainsi, toutes les activités extractives sans EIES (études d’impact environnemental et social) préalable seraient catastrophiques.
● La superposition des certains blocs pétroliers avec les aires protégées (le Parc Marin de mangrove, le Parc National d’Upemba et le Parc National de Virunga), les tourbières et les zones à haute valeur écologique : la superposition des blocs sur les aires protégées et les zones à haute valeur écologique viole la loi sur la conservation de la nature de 2014 en son article 1er alinéa 2, qui stipule que « l’État établit un système national d’aires protégées et de sites où des mesures spéciales sont prises en vue de lutter contre toute intervention susceptible d’en altérer l’aspect, la composition et l’évolution aux fins d’assurer la conservation de la diversité biologique et des monuments naturels d’intérêt national ». L’analyse minutieuse de cette disposition légale démontre que les activités des hydrocarbures, tant en amont qu’en aval, ont pour conséquence logique l’altération des aires protégées. Ceci est également soutenu par les dispositions de l’article 25 de la loi susmentionnée qui précise que « toute activité incompatible avec les objectifs de la conservation est interdite dans les aires protégées (…) Sous réserve des dérogations prévues par la présente loi, est nul tout droit accordé dans les limites des aires protégées et leurs zones tampons ».
C. SUR LE PLAN SOCIO-ÉCONOMIQUE
● L’absence des Consultations Libre Informée Préalablement (CLIP) auprès des communautés locales et autochtones qui seront affectées par les projets. L’article 46 de la loi n°22/030 du 15 juillet 2022 stipule que : « le pouvoir central, la province et les entités territoriales décentralisées consultent les peuples autochtones pygmées concernés et coopèrent par l’intermédiaire de leurs représentants dûment choisis par eux-mêmes en vue d’obtenir préalablement leur consentement libre et informé avant toute mise en valeur, l’utilisation ou l’exploitation des ressources minérales, hydriques, pétrolières ou autres sur les terres qu’ils possèdent, occupent et utilisent traditionnellement ». D’après les expériences d’autres pays africains, les risques d’expropriation des communautés sur leurs terres entraîneront des tensions particulièrement dangereuses dans une région post-conflit comme l’Est de la RDC.

L’exploitation des ressources minières à l’Est de la RDC a déjà démontré les liens existants entre l’exploitation des ressources naturelles et les conflits. Les expériences dans d’autres pays en général, et en particulier dans les pays en voie de développement, ont montré que l’exploitation pétrolière ne profite qu’aux multinationales et à une partie des personnes hautement positionnées au sein des gouvernements et administrations.

En date du 2 novembre 2023, THE BUREAU OF INVESTIGATIVE JOURNALISM et d’autres médias ont publié un rapport montrant comment une entreprise, Alfajiri Energy, créée en janvier 2022, quelques semaines seulement après que la RDC ait annoncé son intention de vendre aux enchères une série de blocs pétroliers. Un an plus tard, cette société peu connue a obtenu les droits sur un bloc de gaz dans le lac Kivu, qui contient de grandes quantités de gaz, malgré son manque total de références et d’expertise pour le travail à accomplir. Étant donné qu’Alfajiri avait été créée dix mois auparavant, elle ne pouvait pas fournir les trois années de comptes exigées par la loi pour passer à l’étape suivante. Le même rapport explique qu’à peine quinze jours avant qu’Alfajiri ne soit annoncé comme soumissionnaire qualifié, le ministre des hydrocarbures s’était rendu à Calgary (au Canada) où lui et M. Christian Hamuli, président-directeur général d’Alfajiri, se sont exprimés lors d’un déjeuner de promotion des opportunités dans les hydrocarbures en RDC. Cela à lui seul a soulevé des questions, selon une source proche du dossier, qui a déclaré qu’il était inapproprié pour M. Budimbu de rencontrer une seule des sociétés soumissionnaires à ce stade du processus, chose qui laisse beaucoup de doutes.
Depuis le mois de mai 2023, nous avons appris par le compte X de M. Didier BUDIMBU NTUBUANGA, alors ministre congolais des hydrocarbures, que la République Démocratique du Congo négocie avec le gouvernement ougandais pour son intégration dans le projet EACOP (Oléoduc d’Afrique de l’Est) afin de profiter du transport de pétrole du graben albertin du côté congolais. Le projet EACOP subit une forte opposition de la part des communautés locales ougandaises et tanzaniennes.
S’il voyait le jour, ce pipeline colossal deviendrait le plus long oléoduc chauffé du monde, soit 1444 km avant l’ajout de la partie congolaise. TotalEnergies, le géant multinational français du pétrole, est l’instigateur principal de ce projet. À ses côtés, une autre multinationale d’État : la China National Offshore Oil Corporation (CNOOC). EACOP menace de déplacer plus de 100 000 personnes en Ouganda et en Tanzanie. Des milliers de familles, d’agriculteurs et d’éleveurs, ont déjà vu leurs moyens de subsistance perturbés par le projet.
S’il est autorisé à se construire, l’oléoduc mettra également en péril les ressources en eau et les zones humides en Ouganda et en Tanzanie. Il traversera plus de 200 rivières, ainsi que le bassin du lac Victoria, dont dépendent plus de 40 millions de personnes pour leur eau potable et leur production alimentaire. Un seul déversement ou une seule fuite pourrait avoir des effets catastrophiques sur ces sources d’eau douce vitale et sur les millions de personnes qui en dépendent. La probabilité d’un déversement ou d’une fuite est élevée, non seulement en raison de dommages accidentels ou d’un mauvais entretien, mais aussi parce que l’oléoduc traversera une zone sismique active qui connaît régulièrement des tremblements de terre. Comme si cela ne suffisait pas, TotalEnergies et ses partenaires ont opté pour l’option la moins coûteuse, à savoir le creusement de tranchées à ciel ouvert pour la quasi-totalité des traversées d’eau, au lieu de respecter les meilleures pratiques de l’industrie.

Les processus d’acquisition de terres et de réinstallation pour EACOP et les champs pétrolifères associés ont déjà commencé, et les communautés font état d’un manque de transparence et de retards dans les compensations, ce qui a eu un impact sur les moyens de subsistance, a exacerbé l’insécurité alimentaire et a perturbé la fréquentation scolaire. Les propriétaires de terres locales qui résistent à ce processus ont été victimes d’intimidations et de manipulations, les obligeant à céder leurs terres en échange d’une indemnisation dérisoire. Tous ces impacts ont des effets genrés, nuisant de manière disproportionnée aux femmes et aux filles de la région.

Les multinationales pétrolières ont fait toutes sortes de promesses vides aux populations de l’Ouganda et des pays voisins, mais en réalité, ce projet ne vise qu’à extraire le plus de profits privés possible. 10,9 millions de tonnes de pétrole seront transportées dans l’oléoduc chaque année. Quand elles seront brûlées, cela sera équivalent à jusqu’à 34,3 millions de tonnes de CO2 supplémentaires chaque année, soit bien plus que les émissions de gaz à effet de serre combinées de l’Ouganda et de la Tanzanie. Finalement, le projet multipliera par 7 les émissions de l’Ouganda.
Les preuves scientifiques nous indiquent de manière accablante qu’il nous reste environ une décennie pour réduire considérablement nos émissions de carbone si nous voulons éviter un changement climatique catastrophique. D’après le rapport du GIEC (Groupe Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat) et la communauté scientifique, plus aucun nouveau projet pétrolier et gazier ne doit démarrer pour espérer limiter l’augmentation de la température à +1,5°C.

C’est pourquoi Extinction Rébellion se positionne, aux côtés d’autres organisations de la société civile congolaise, pour s’opposer à :

  1. La vente des blocs pétroliers congolais étant donné que tous les processus préalables (le plan procédural et légal, le plan écologique et socio-économique) n’ont pas été respectés ;
  2. L’intégration de la République Démocratique du Congo dans le projet destructeur de l’East African Crude Oil Pipeline (EACOP), étant donné que le projet en soi est déjà rejeté par les communautés ougandaises et tanzaniennes à cause des nombreuses violations des droits humains et de la conservation de notre planète ;
  3. Qu’une enquête minutieuse soit ouverte par l’inspection générale des finances (IGF) sur le cas de vente de bloc pétrolier et gazier et que la justice se saisisse d’office du dossier impliquant l’ancien Ministre des hydrocarbures M. Didier BUDIMBU ;
  4. Que le gouvernement congolais investisse dans des domaines qui sont considérés comme des alternatives claires et durables pour notre pays et les générations futures, telles que les énergies renouvelables, le tourisme, l’agriculture, la pêche et le désenclavement de certaines zones du pays.

Fait à Kinshasa, le 31 Mai 2024

EXTINCTION REBELLION

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