Éditorial | Jonathan Bafumvwa
Kinshasa, samedi, 13 décembre 2025 – Depuis son accession à la magistrature suprême en 2019, le Président de la République, Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, a tenu des discours qui, à première vue, peuvent sembler contradictoires sur l’état des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC).
En effet, au début de son mandat, il déclarait avoir hérité d’une armée structurée. Pourtant, en 2025, s’adressant à la jeunesse congolaise ce samedi, il évoque l’armée de l’époque comme une « armée de clochards ». Cette différence de langage interroge et alimente le débat public.
Cependant, cette apparente contradiction peut s’expliquer de plusieurs manières, sans pour autant conclure à une incohérence du Chef de l’État.
Premièrement, le contexte politique et institutionnel de 2019 était marqué par une transition délicate. Le Président évoluait alors dans un cadre de cohabitation politique, où le discours se devait d’être mesuré, rassembleur et institutionnel, afin de préserver la stabilité nationale. Parler d’une « armée structurée » pouvait relever d’un langage diplomatique visant à éviter une crise de confiance au sein des forces de défense.
Deuxièmement, le terme « armée structurée » pouvait renvoyer à une structure administrative formelle existante hiérarchie, organigramme, effectifs sans nécessairement signifier une armée efficace, bien équipée ou moralement solide. À l’inverse, l’expression utilisée en 2025 traduit davantage un jugement sur les conditions réelles, le vécu du soldat et les dysfonctionnements profonds longtemps occultés.
Troisièmement, après plusieurs années d’exercice du pouvoir, le Président dispose d’une lecture plus complète et plus lucide des réalités internes de l’armée. Le discours de 2025 peut ainsi être compris comme un aveu tardif, mais nécessaire, visant à provoquer une prise de conscience nationale et à mobiliser la jeunesse autour de la réforme du secteur de la défense.
Enfin, ce changement de ton peut traduire une stratégie politique : reconnaître publiquement les failles du passé pour mieux justifier les réformes en cours ou à venir, ainsi que les efforts consentis pour reconstruire une armée réellement républicaine, professionnelle et dissuasive.
Ainsi, loin d’être une contradiction personnelle, cette évolution du discours présidentiel peut être interprétée comme le reflet d’un changement de contexte, d’une maturation politique et d’une volonté de vérité face aux défis sécuritaires persistants du pays.