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Le pont secret du Yalu : quand Pékin prépare l’après-Kim Jong-un

Le pont secret du Yalu : quand Pékin prépare l’après-Kim Jong-un

Par un diplomate nord-coréen ayant fait défection (Anonyme)

À la frontière entre la Chine et la Corée du Nord, un ouvrage colossal dort depuis plus de dix ans. Le nouveau pont du fleuve Yalu, pourtant achevé depuis 2014, reste fermé, figé dans un silence lourd de sous-entendus géopolitiques. Mais depuis février dernier, des signaux faibles mais significatifs sont apparus : construction d’un bâtiment douanier côté nord-coréen, reprise des travaux sur les infrastructures environnantes… Faut-il y voir un simple projet commercial enfin relancé, ou une pièce maîtresse d’un jeu d’influence sino-nord-coréen bien plus vaste ?

Derrière ce pont à l’abandon se cache une histoire de promesses non tenues, de méfiance chronique et de stratégies de domination. La Chine avait proposé dès 2006 la construction de cet ouvrage, mais la Corée du Nord l’avait rejetée, redoutant un usage militaire par son puissant voisin. Ce n’est qu’en 2010, avec la promesse chinoise de financer intégralement les infrastructures côté nord-coréen, que Kim Jong-il accepta, y voyant une opportunité de propagande interne. Le pont fut construit, mais les engagements chinois ne suivirent pas. Prétextant des dépassements budgétaires, Pékin abandonna le projet, laissant Pyongyang à l’arrêt.

Depuis, le pont du Yalu est devenu un symbole glaçant : celui de la profonde défiance entre deux « alliés » historiques. Les efforts nord-coréens pour relancer les travaux via des investissements privés chinois ont échoué, la Chine se montrant de plus en plus réticente à renforcer un voisin jugé imprévisible. Car derrière l’apparente alliance se cache un véritable rapport de force. Pékin considère Pyongyang comme un facteur de risque à contenir, tandis que la Corée du Nord n’a jamais digéré la normalisation des relations sino-sud-coréennes en 1992, ni l’inaction de Pékin pendant la « Marche Ardue » des années 1990.

Même sous Kim Jong-un, les tensions se sont accrues. Des documents internes nord-coréens utilisent des termes dénigrants pour désigner la Chine, preuve d’un ressentiment profond. De son côté, Pékin surveille son voisin avec suspicion, redoutant tout basculement stratégique – notamment un rapprochement avec les États-Unis ou un effondrement soudain du régime nord-coréen. Les récents rapprochements entre Pyongyang et Moscou n’ont fait qu’aggraver cette inquiétude.

Dans ce contexte, la reprise des travaux autour du pont n’a rien d’anodin. Si les apparences montrent une Corée du Nord en quête de revenus commerciaux, les intentions chinoises pourraient être bien plus stratégiques. Ce pont n’est pas un simple axe de transport : il constitue un « atout de pénétration » pour une éventuelle intervention militaire ou politique de Pékin en cas de crise. En d’autres termes, un levier silencieux pour peser sur l’avenir du régime nord-coréen.

Pourquoi ce pont n’a-t-il jamais été utilisé ? Peut-être parce qu’il a toujours été perçu par la Chine comme un actif stratégique de réserve un outil à activer uniquement si l’histoire bascule. Aujourd’hui, entre la guerre en Ukraine, les tensions autour de Taïwan et l’instabilité croissante en Asie du Nord-Est, Pékin semble vouloir sécuriser son flanc nord. Et cela passe, peut-être, par le réveil d’un pont oublié.

Kim Jong-un, de son côté, semble désormais convaincu de la solidité de son pouvoir grâce à son arsenal nucléaire, tout en étant acculé économiquement. L’ouverture du pont pourrait être une nécessité vitale. Mais à quel prix ?

Si le pont du fleuve Yalu devait s’ouvrir dans les mois à venir, il ne faudra pas seulement observer les camions qui le traversent. Il faudra surtout scruter les intentions et les ambitions de ceux qui en ont les clés.

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