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RDC : Les anciens présidents élus face à la justice — entre immunité, responsabilité et exigence d’État de droit

RDC : Les anciens présidents élus face à la justice — entre immunité, responsabilité et exigence d’État de droit

RDC, 08 novembre 2025 – La Constitution congolaise consacre aux anciens présidents élus la qualité de sénateur à vie, un statut à la fois honorifique et juridiquement encadré. Mais jusqu’où s’étend leur immunité ? Et dans quelles conditions peuvent-ils être poursuivis ? À travers une analyse rigoureuse des textes constitutionnels et légaux, Ismaël Longange met en lumière la justiciabilité des anciens chefs d’État en République Démocratique du Congo, révélant les contours d’un équilibre délicat entre protection institutionnelle et redevabilité devant la loi.

De la justiciabilité et des modalités de poursuite des anciens présidents de la République élus, sénateur à vie en République Démocratique du Congo : un État de droit

INTRODUCTION
La Constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février 2006, telle que révisée par la loi N°11/002 du 20/01/2011, reconnaît la qualité d’ancien président de la République élu. À cet égard, son article 104, point 7, dispose que les anciens présidents élus sont de droit sénateurs à vie.
À partir de cette disposition, il apparaît deux concepts distincts : d’une part, celui d’un ancien président de la République élu et, d’autre part, celui d’un sénateur à vie. Malgré leur distinction terminologique, il convient de souligner que le second concept, celui de sénateur à vie, découle directement du premier, à savoir l’ancien président de la République élu. Il est impératif d’interpréter ces deux concepts de manière conjointe, car l’absence du premier compromettrait la compréhension du second. C’est dans cette perspective que nous affirmons que le concept de sénateur à vie ne peut exister qu’à la condition d’avoir été un ancien président de la République élu conformément à la Constitution et d’avoir quitté ses fonctions comme celle-ci le prévoit.
Avant toute chose, il est essentiel d’analyser les différents concepts en jeu, notamment l’ancien président de la République élu et le sénateur à vie. On entend par ancien président de la République élu tout citoyen congolais qui a accédé par élection aux fonctions de Président de la République, les a exercées et les a quittées conformément à la Constitution.
Il importe de retenir que la Constitution de la République Démocratique du Congo reconnaît les élections comme le seul mode d’accès à la fonction présidentielle.
C’est la raison pour laquelle elle prévoit, en son article 220, le principe du suffrage universel direct ou indirect et le consacre, de surcroît, parmi les matières relevant des dispositions intangibles. Cela signifie que toute autre modalité d’accès à la fonction présidentielle est illégale et illicite ; l’on ne peut accéder à la présidence que par la voie électorale, qu’elle soit directe ou indirecte. Cela signifie que toute autre modalité d’accès à la fonction présidentielle est illégale et illicite ; l’on ne peut accéder à la présidence que par la voie électorale, qu’elle soit directe ou indirecte. Toute autre voie non reconnue par la Constitution n’accorde pas au président la qualité d’ancien président de la République élu. Par conséquent, il ne bénéficie pas du droit viager de sénateur à vie prévu par la Constitution.
Ainsi, nous nous efforçons de clarifier le concept de sénateur ordinairement élu par rapport à celui de sénateur à vie. Ni la Constitution ni aucun autre texte légal n’a expressément défini la qualité du sénateur ordinairement élu. Cependant, aux termes de l’article 104, alinéas 2 et 5, de la Constitution, est considéré comme sénateur tout membre du Sénat qui porte ce titre. Par cette définition, nous retenons que le sénateur est tout citoyen élu par les députés provinciaux d’une assemblée provinciale, représentant la province et ayant un mandat national.
L’élection du sénateur est indirecte et son mandat est limité par les textes légaux. En revanche, le sénateur à vie est, avant tout, tout citoyen ayant été élu Président de la République sous l’égide de la Constitution du 18/02/2006 et qui a quitté ses fonctions conformément à ses prescrits.
En effet, en droit congolais, le concept de sénateur à vie représente un droit viager, c’est-à-dire une prérogative, une qualité reconnue à une personne durant son vivant. Cette faculté ne peut prendre fin qu’au décès du bénéficiaire, tel est le cas du titre de sénateur à vie reconnu à Joseph KABILA, qui est un droit viager, attaché, inhérent et personnel au bénéficiaire.
Il convient de souligner l’impossibilité de séparer les deux concepts, à savoir l’ancien président de la République élu et le sénateur à vie. Il est primordial de préciser que le terme « sénateur à vie » tire son fondement de la qualité d’ancien président de la République élu. La compréhension de cette interprétation découle de la nécessité de lire de manière connectée, voire concomitante, les articles 6, 7, 8 et 9 de la loi sur les anciens présidents de la République élus, afin de mieux cerner l’indissociabilité de ces deux concepts.
Il est également essentiel d’établir une démarcation entre le sénateur à vie (un ancien président de la République élu) et le sénateur ordinairement élu par l’assemblée provinciale pour un mandat limité de représentation au niveau national.


En effet, le sénateur ordinairement élu représente sa province avec un mandat électif limité qui nécessite d’être validé et qui est national. Par contre, le sénateur à vie est un titre honorifique reconnu à un ancien président de la République élu ayant quitté ses fonctions conformément à la Constitution.
Le sénateur ordinairement élu est un citoyen titulaire d’un mandat limité, tandis que le sénateur à vie est un droit viager attaché à tout ancien président de la République élu. Si le sénateur ordinairement élu est conditionné à valider son mandat au Sénat, en revanche, la qualité de sénateur à vie a été validée dès la promulgation et l’entrée en vigueur de la loi qui la consacre.
Il en va de même pour le sénateur ordinairement élu, qui est conditionné à avoir deux suppléants conformément à la loi électorale. Toutefois, cela n’est pas le cas pour le sénateur à vie, qui est un titre individuel, personnel et inhérent à la personne bénéficiaire. Cette qualité est non transférable et inaliénable.


Des incompatibilités, du régime juridique et du statut pénal d’un ancien président de la République élu, sénateur à vie
En effet, avant toute analyse, il nous faut examiner les incompatibilités et le régime juridique pénal applicables à un ancien président de la République élu, sénateur à vie.
Aux termes de l’article 6 de la loi portant statut des anciens présidents de la République élus, il est stipulé ce qui suit : « En sa qualité de sénateur à vie, tout ancien président de la République élu est soumis à toutes les incompatibilités prévues par l’article 106 de la Constitution. Toutefois, il peut exercer des fonctions rémunérées, conférées par un organisme international dont la République Démocratique du Congo est membre. » Cet élément d’exception, qui autorise l’exercice de fonctions rémunérées par un organisme international pour un sénateur à vie, démontre clairement à quel point le statut d’un sénateur à vie diffère de celui du sénateur ordinairement élu.


Ainsi, par souci de précision, l’article 108 de la Constitution énumère les différentes incompatibilités auxquelles le député national et le sénateur sont soumis, notamment :

  1. Membre du Gouvernement ;
  2.  Membre d’une institution d’appui à la démocratie ;
  3.  Membre des forces armées, de la police nationale et des services de sécurité ;
  4.  Magistrat ;
  5.  Agent de carrière des services publics de l’État ;
  6. Cadre politico-administratif de la territoriale, à l’exception des chefs de collectivité-chefferie et de groupement ;
  7. Mandataire public actif ;
  8.  Membre des cabinets du Président de la République, du Premier Ministre, du Président de l’Assemblée nationale, du Président du Sénat, des membres du Gouvernement, et, plus généralement, d’une autorité politique ou administrative de l’État, employé dans une entreprise publique ou dans une société d’économie mixte ;
  9.  Tout autre mandat électif.
    Le mandat de député national ou de sénateur est incompatible avec l’exercice de fonctions rémunérées conférées par un État étranger ou un organisme international.
    L’interprétation de ces dispositions, en l’occurrence l’article 6 de la loi sur les anciens Présidents de la République élus et l’article 108 de la Constitution, ne place pas les deux types de sénateurs sur un pied d’égalité en termes de traitement ; il s’agit là de certaines convergences concernant les incompatibilités qui les régissent. De surcroît, les sénateurs à vie bénéficient d’une exception pour l’exercice de fonctions rémunérées conférées par un organisme international dont la République Démocratique du Congo est membre, ce qui n’est pas le cas pour les sénateurs ordinairement élus, titulaires d’un mandat public.
    Du statut pénal
    L’article 7 de la loi sur les anciens présidents de la République élus dispose que : « Tout ancien président de la République élu jouit de l’immunité des poursuites pénales pour les actes posés dans l’exercice de ses fonctions. » À cet égard, il nous faut, au préalable, expliciter le sens de l’immunité de poursuites pénales énoncée par cette disposition.
    En effet, l’immunité des poursuites pénales est encadrée par la Constitution et par d’autres textes légaux. Il s’agit d’une garantie juridique visant à protéger certaines fonctions essentielles de l’État contre l’instrumentalisation politique des poursuites pénales. Dans le cas présent, l’article 165, alinéa 2, de la Constitution, conformément à l’article 7 de la loi sur les anciens présidents de la République élus, exonèrent et limitent les cas pour lesquels le président en fonction et l’ancien président de la République élu, sénateur à vie, bénéficient de l’immunité des poursuites pénales.
    De fait, l’article 165, alinéa 2, de la Constitution dispose que : « Le Président de la République n’est responsable des actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions qu’en cas de haute trahison. » À cela s’ajoute l’article 164 de la Constitution, qui énumère les différentes infractions pour lesquelles le Président de la République en fonctions peut être poursuivi.
    À la lumière de l’économie de l’article 7 de la loi sur les anciens présidents de la République élus, l’immunité des poursuites pénales exonère non seulement le Président de la République des actes posés dans l’exercice de ses fonctions, mais également l’ancien président de la République élu.
    Cela nous permet d’affirmer que, pour l’infraction de haute trahison, le Président de la République en fonctions et l’ancien président de la République élu ont le même statut pénal et le régime juridique applicable est identique.
    Le régime juridique applicable aux anciens de la République élus, sénateur à vie
    En droit congolais, on entend par régime juridique applicable l’ensemble des textes légaux susceptibles d’être appliqués à un acte juridique, un fait juridique, un statut ou une situation juridique donnée. Dans le cas présent, il s’agit des normes susceptibles d’être appliquées ou des normes qui régissent les modalités des poursuites pénales et judiciaires d’un ancien président de la République élu, sénateur à vie.
    Des poursuites et juridictions compétentes d’un ancien président de la République élu, sénateur à vie.
    Des poursuites : En droit congolais, en vertu des articles 12, 17 et 19 de la Constitution, tous les citoyens sont égaux devant la loi et sont responsables des actes qu’ils commettent, sauf disposition contraire. Tout Congolais a droit à un procès équitable. Nul ne peut être poursuivi, arrêté, détenu ou condamné qu’en vertu de la loi et dans les formes qu’elle prescrit. Nul ne peut être soustrait ou distrait contre son gré du jugement que la loi lui assigne. L’article 18 de la Constitution ajoute ce qui suit : « Toute personne arrêtée doit être immédiatement informée des motifs de son arrestation et de toute accusation portée contre elle ; elle doit être immédiatement informée de ses droits. » Conformément à l’article 7 de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, qui consacre le droit à un procès équitable, il est prévu ce qui suit : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue. » À cela s’ajoute l’article 14 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques, qui consacre également le droit à un procès équitable. L’essence de cet article prévoit que toutes les personnes sont égales devant les tribunaux et les cours de justice.Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle, soit des contestations relatives à ses droits et obligations de caractère civil.
    Pour compléter l’interprétation de ces dispositions, la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples a adopté en 2003 les Principes et lignes directrices sur le droit à un procès équitable et l’assistance judiciaire en Afrique, qui développent en détail les garanties relatives à un procès équitable, tant en matière civile que pénale, y compris devant les juridictions militaires.
    Ces différentes dispositions, non seulement réglementent, mais elles protègent également le droit de tout citoyen congolais en difficulté avec la justice, afin de garantir un procès équitable et de lutter contre l’impunité, et surtout l’arbitraire, pour l’émergence d’un État de droit démocratique.
    Immunités et privilèges de juridictions
    Les immunités et privilèges sont des faveurs ou des prérogatives reconnues à un citoyen dans l’exercice de ses fonctions. Cependant, malgré le fait de les prendre dans l’ensemble et de les employer indifféremment, il y a toujours des nuances entre immunité et privilèges.
    Immunité
    Aux termes de l’article 12 de la Constitution, il est prévu les principes de l’égalité de tous les citoyens devant la loi et une égale protection des lois. Toutefois, il sied de rappeler que tous les Congolais ne sont pas justiciables devant une même juridiction. Certains d’entre eux sont soustraits de certaines juridictions au regard des fonctions sociales, politiques, militaires, judiciaires… qu’ils exercent et, surtout, du rang qu’ils occupent au sein de la société congolaise. 
    De ce fait, ils bénéficient d’un régime dérogatoire au droit commun en matière pénale et sont soumis à un régime spécial prévu par les lois.
    Privilèges des juridictions et de poursuites
    Les privilèges de juridiction entraînent une dérogation à la compétence matérielle des faits infractionnels et tiennent compte de la compétence personnelle de l’auteur de ces faits. En revanche, les privilèges de poursuites sont des facultés reconnues à certaines personnes qui, avant d’engager toute poursuite contre elles, nécessitent, au préalable, une autorisation soit de leur corps professionnel, soit du procureur général. En parlant des privilèges de juridictions, Raphaël NYABIRUNGU estime que « les privilèges de juridictions et les privilèges de poursuites, pour des raisons d’opportunité politique et de politique criminelle, certaines personnes physiques sont exclues de l’application de certaines règles de forme ou de fond. Il en est de même pour les immunités. »
    Cependant, il nous faut établir une divergence entre les privilèges de juridictions, qui sont une dérogation accordée à certaines personnes de n’être justiciables devant les juridictions de droit commun.
    Quant aux privilèges de poursuites, ils conditionnent et soumettent toute poursuite ou tout engagement des poursuites, au préalable, à un régime d’autorisation, soit par le corps professionnel de l’auteur, soit par le procureur général. Cela n’est accordé que lorsque la personne exerce ses fonctions ou continue à jouir du statut qui lui confère ces privilèges.
    En effet, pour un ancien président de la République élu, sénateur à vie, il nous faut retenir que cette qualité ne s’applique que lorsque la personne est élue président conformément à la Constitution et cesse d’exercer ses fonctions conformément à celle-ci.
    À cet égard, la qualité de sénateur à vie ne peut être prise de manière isolée, comme énoncé ci-haut, étant donné qu’elle découle de la qualité d’ancien président de la République élu, qui est d’ailleurs reconnue par la Constitution.
    Contre toute attente, vouloir séparer les deux concepts, à savoir celui d’un ancien président de la République élu et celui de sénateur à vie, revient à aller à l’encontre des normes et, surtout, de la Constitution, d’autant plus que le titre de sénateur à vie n’est conféré qu’à un ancien président de la République élu conformément à la Constitution et ayant quitté ses fonctions selon les prescrits de celle-ci.
    Par voie de conséquence, la qualité de sénateur à vie est un droit inhérent, personnel, reconnu à un ancien président de la République élu et non un mandat public donné à un sénateur ordinairement élu conformément à la loi électorale représentant la province au niveau national.
    Juridictions compétentes d’ancien président de la République; sénateur à vie
    La question de la juridiction compétente pour un ancien président de la République élu, sénateur à vie, semble susciter de vifs débats en République Démocratique du Congo.
    En effet, nous allons tenter, dans les lignes qui suivent, de démontrer les différentes juridictions compétentes pour connaître des faits commis par un ancien président de la République élu, sénateur à vie, selon le cas.
    En République Démocratique du Congo, la juridiction compétente pour juger un ancien président de la République élu, sénateur à vie, dépend de la nature des faits qui lui sont reprochés et du moment où ces faits ont été commis (pendant ou après son mandat).
     
    Fondement juridique
    Aux termes de l’article 164 de la Constitution, il est prévu que « la Cour Constitutionnelle est juge du Président de la République et du Premier Ministre en cas de haute trahison et des autres infractions mentionnées. » Par conséquent, l’ancien président de la République élu, sénateur à vie, est poursuivi pour les actes de haute trahison commis pendant l’exercice de ses fonctions, la Cour Constitutionnelle demeure compétente pour en connaître, même après la fin du mandat.
    L’interprétation de cette disposition nous permet d’affirmer que l’ancien président de la République, sénateur à vie, est justiciable de la Cour Constitutionnelle même après ses fonctions ou à la fin de son mandat pour l’infraction de haute trahison.
    Quant aux faits de droit commun (hors haute trahison), si l’ancien président est poursuivi pour des infractions de droit commun (corruption, détournement, viol, etc.) commises après ou en dehors de l’exercice de ses fonctions, il est justiciable des juridictions ordinaires en vertu de l’article 153, alinéa 1, de la Constitution.
    Cependant, il n’existe aucune disposition spécifique dans la Constitution ni dans la loi organique désignant une juridiction spéciale pour juger un ancien président de la République élu pour des faits ordinaires. Il redevient justiciable du droit commun, sauf disposition contraire. Partant de cette analyse, il nous revient d’affirmer que l’ancien président de la République élu, sénateur à vie, pour les infractions de droit commun susmentionnées, est justiciable des juridictions ordinaires selon le taux de la peine relative à l’infraction pour laquelle il est poursuivi (TRIPAIX, TGI, etc.). Compte tenu de l’absence d’immunité post-mandat, il n’existe aucune disposition constitutionnelle ou légale en République Démocratique du Congo qui accorde une immunité pénale permanente à un ancien président de la République élu, sénateur à vie. L’immunité fonctionnelle cesse avec la fin du mandat.
    En cas de crimes internationaux, notamment : le crime de guerre, de génocide, crimes contre l’humanité, si l’ancien président de la République élu, sénateur à vie, est poursuivi pour l’un de ces crimes cités ci-haut, la Cour d’Appel est compétente pour en connaître, même pendant l’exercice des fonctions ou après la fin du mandat.
    Fondement juridique pour la compétence de la cour d’appel
    Aux termes des articles 22 et 91 de la loi organique portant organisation, fonctionnement et compétence des juridictions de l’ordre judiciaire, se fonde la compétence de la Cour d’Appel.
    En effet, l’article 22 de ladite loi dispose ce qui suit : « La cour d’appel siège au nombre de trois membres. Toutefois, elle siège au nombre de cinq membres pour les infractions prévues au statut de Rome de la Cour pénale internationale. » Il en est de même à l’article 91, alinéa 1, qui dispose que « les cours d’appel connaissent également au premier degré : du crime de génocide, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité commis par les personnes relevant de leur compétence et de celle des tribunaux de grande instance. » Ces dispositions sont complétées par les articles 1er et 20 quater de la loi n° 15/022 du 31 décembre 2015 modifiant et complétant le décret du 30 janvier 1940 portant code pénal congolais.
    L’économie de l’article premier bis prévoit ce qui suit : « La loi pénale est de stricte interprétation. En cas d’ambiguïté, elle est interprétée en faveur de la personne qui fait l’objet d’une enquête, de poursuites ou de condamnation. » À l’article 20 quater, il est stipulé de la sorte : « En ce qui concerne les poursuites pour les crimes visés au titre IX relatif aux crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité, la loi s’applique à tous de manière égale sans aucune distinction fondée sur la qualité officielle. En cas particulier, la qualité officielle de Chef d’État ou de Gouvernement, de membre du Gouvernement, de membre du Parlement ou de représentant élu ou d’agent public de l’État, n’exonère en aucun cas de la responsabilité pénale, pas plus qu’elle ne constitue en tant que telle un motif de la peine. »
    Dans cette même logique, voire dans cet ordre d’idée, l’article 9 de la loi sur les anciens présidents élus complète ces dispositions précitées et dispose que : « En matière de crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité commis par tout ancien président de la République élu, les juridictions nationales ont priorité sur toute juridiction internationale ou étrangère».
    De ce fait, la Cour Pénale Internationale exerce une compétence complémentaire à celle des juridictions pénales nationales. Les États parties, dont la République Démocratique du Congo, ont souscrit à la double obligation : d’une part, coopérer pleinement avec la Cour dans les enquêtes et les poursuites à mener pour les crimes relevant de sa compétence et, d’autre part, procéder à l’harmonisation de son droit pénal avec les dispositions dudit statut. Ainsi, apparaît la nécessité d’introduire dans le décret du 30 janvier 1940 portant code pénal congolais les infractions de crime de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre.
    Il est également affirmé l’imprescriptibilité de ces crimes, ainsi que la non-pertinence de la qualité officielle, en vertu de laquelle certaines catégories de personnes bénéficient d’immunités au regard du droit interne. Cette affirmation se conforme aux articles 26 et 27 de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969, qui prévoient que tout traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi ; une partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant la non-exécution d’un traité.
    De tout ce qui précède, il nous revient de dire que l’ancien président de la République élu, sénateur à vie, est justiciable soit devant la Cour Constitutionnelle, les juridictions ordinaires, soit devant la Cour d’Appel, et cela dépend de la nature de l’infraction et du moment où elle est commise.
     
     
    Modalité des poursuites d’un ancien président de la République élu, sénateur à vie
    En effet, conformément à l’article 166 de la Constitution, la décision de mise en accusation du Président de la République et du Premier Ministre est votée par le Parlement réuni en Congrès, à la majorité des deux tiers de ses membres, suivant la procédure prévue par le règlement intérieur.
    L’article 104, alinéa 7, reconnaît que les anciens présidents de la République élus sont de droit sénateurs à vie. Cela s’ajoute à l’article 8 de la loi sur les anciens présidents de la République élus, qui prévoit la procédure de poursuite d’un ancien président de la République élu, en ces termes : « Pour les actes posés en dehors de l’exercice de ses fonctions, les poursuites contre tout ancien président de la République élu sont soumises au vote à la majorité des deux tiers des membres des deux chambres du Parlement réunies en Congrès suivant la procédure prévue par son règlement intérieur».
    Comme nous l’avons démontré ci-haut, la qualité d’un ancien président de la République élu ne peut faire l’objet de séparation avec celle de sénateur à vie, et vice-versa, d’autant plus que l’on n’est sénateur à vie que lorsque l’on a été président de la République élu conformément à la Constitution et avoir quitté ses fonctions selon les prescrits de celle-ci.
    Le sénateur à vie est un droit viager et non un mandat public ; par conséquent, la procédure des poursuites et d’autorisation relative au sénateur ordinairement élu, titulaire d’un mandat public limité, ne peut s’appliquer à un ancien président de la République élu et sénateur à vie. Cette qualité est un droit et non un mandat public.
     
     
    CONCLUSION
     
    L’analyse approfondie de la justiciabilité et des modalités de poursuite des anciens présidents de la République élus, sénateurs à vie, en République Démocratique du Congo, révèle une architecture juridique à la fois nuancée et déterminée par les impératifs d’un État de droit en construction. Loin d’être une simple formalité protocolaire, le titre de sénateur à vie est une qualité inhérente, directement liée à l’exercice et à la cessation légale des fonctions présidentielles. Ceci établit une distinction fondamentale et inaliénable avec le mandat public du sénateur ordinaire.
    En définitive, la quête d’un État de droit ne saurait souffrir d’exceptions ou d’ambiguïtés. Le présent développement démontre avec force que la RDC, par sa Constitution et ses lois organiques, a clairement défini les cadres de responsabilité. Qu’il s’agisse de la haute trahison, reléguée à la Cour Constitutionnelle, des infractions de droit commun qui ramènent l’ancien chef d’État devant les juridictions ordinaires, ou des crimes internationaux imprescriptibles relevant de la Cour d’Appel, chaque scénario est précisément encadré.
    Ainsi, l’immunité fonctionnelle n’est pas une impunité perpétuelle. Elle cède le pas à la justice pour les actes commis en dehors des fonctions ou pour les crimes les plus graves. Les modalités de poursuite, conditionnées par la réunion du Parlement en Congrès et un vote à la majorité des deux tiers, attestent d’une volonté d’assurer un équilibre entre la protection institutionnelle et l’exigence de reddition des comptes.
    Il est donc clair que l’ancien président de la République élu, en sa qualité de sénateur à vie, est et demeure justiciable. La RDC s’affirme, à travers ce régime juridique spécifique, comme une nation où personne n’est au-dessus de la loi, renforçant ainsi les piliers de sa démocratie et consolidant sa marche vers un véritable État de droit. Le respect scrupuleux de ces procédures n’est pas qu’une formalité ; il est la garantie même de l’équité et de la légitimité de l’action publique, indispensable à l’élévation de la nation
     
     
     
     
    TEXTS JURIDIQUES ET RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
     
    I. TEXTES JURIDIQUES
     
    A. TEXTES JURIDIQUES INTERNATIONAUX
  • Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples de 1981.
  • Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966.
  • Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969.
     
    B. TEXTES JURIDIQUES NATIONAUX
  •   Loi n° 11/002 du 20 janvier 2011 portant révision de la Constitution du 18 février 2006.
  •  Loi du 26 juillet 2018 portant statut des anciens présidents élus et fixant les avantages accordés aux anciens chefs des corps constitués.
  •  Loi organique n° 13/0011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.
  •  Loi n° 15/022 du 31 décembre 2015 modifiant et complétant le décret du 30 janvier 1940 portant code pénal congolais.
     
    II. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
    A. OUVRAGES
  •  NYABIRUNGU MWENESONGA, Raphaël, Traité de droit pénal Général congolais, éd. Universitaires africaines, 2007.
     
     
    Écrit par  Ismaël  Longange, chercheur en Droit.
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